
Ariane tire sur le fil, le jette à la lune. Elle décroche une étoile filante, une lueur d’espoir pour la route, et pénètre sa forêt défrichée pour s’y égarer. Les quêtes viriles et machos de Thésée peuvent bien l’y perdre. Le Minotaure et la peur qu’il engendre peuvent bien subsister. Ils entretiennent la précarité du rêve. Elle s’enfonce dans le labyrinthe, se perd dans les dédales. Il y a là tant de bois, de feuilles et d’histoires qui lui masquent son chemin et sa solitude. Des arbres déracinés, mis en bouillie puis réanimés. Un hêtre mort faisant don de ses organes à une horde d’êtres chimériques ! Quelle splendeur ! Aux yeux d’un novice, cette forêt d’arbres ressuscités pourrait sembler terne et homogène. Pas pour elle ! Ariane supplie le temps de l’oublier, qu’elle puisse lire le récit de chacun. Les ravages que cause l’industrie de pâte et papier l’affectent peu. À quoi sert-il de préserver la nature si c’est au détriment d’un imaginaire cartonné qui te la présentera plus merveilleuse encore ? Se cacher le visage derrière la couverture et se laisser bercer par les songes d’autrui. La douce Ariane n’a commis aucune faute, ne fréquente aucun interdit, ne blesse ni ne touche personne…elle rêve …et rêve encore ! La voilà privée d’une existence dont elle refuse de prendre conscience. Ariane s’engouffre d’avantage. Elle est à jamais prisonnière de ce boisé enchanté, piégée par ses douces rêveries. Désormais, même si elle consentait à sortir sa tête de sous les nuages pour regarder ce qui se déroule sur terre, elle ne verrait plus que des planches qui s’entrecroisent et contiennent romans, recueils et autres illusions emballées. La trop passive rêveuse doit purger sa sentence à perpétuité dans cette immense bibliothèque, avec pour seules compagnes, toutes ces phrases qui l’habitent.
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