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Diane et daphnée

Dernière mise à jour : 28 mai 2022

Extrait de la pièce Acta Est Fabula

DIANE

Daphnée, si tu savais toute la culpabilité que j'ai accumulée dans ma vie à cause de toi! ...Jamais on ne nous enseigne à être mères. La société a créé l’idée d’une fibre imaginaire dont seraient tricotées les mamans. On s’imagine qu’un instinct étouffé sous des siècles de mots et d’analyse va nous permettre de comprendre miraculeusement les besoins cachés derrière les pleurs et les rires de notre petit animal tout plissé. Jamais j'ai connu pareille symbiose. Je l'ai cherchée, je l'ai pleurée sur ton berceau, sur le petit poupon que tu étais. Sentiment de vide, sentiment d'échec que je n'ai jamais pu tolérer, que j'ai cherché à fuir. La maternité est censée nous épanouir. La mienne m’avalait complètement. On m’avait parlé des nuits blanches. Ça ne m’inquiétait pas, moi qui n’ai jamais aimé dormir. On a omis de me parler des journées grises. Assombries par la merde qu’on change sept fois par jour, par des pleurs incessants, par des bras constamment encombrés, incapable de produire quoi que ce soit, par des soupers où t’as rien à raconter parce que ta vie sent le lait caillé et tourne autour de la laveuse et du chauffe-biberon. Mais qui peut ben triper là-dessus? Tu sais quoi Daphnée? C’est chiant être maman! Toute femme ayant eu l’idée de génie d’enfanter sait ça. Mais elle le dira pas. Parce que ça se dit pas. Parce qu’elle aime son enfant et qu’elle voudrait pas que personne remette ça en question. Elle voudrait pas faire de peine au produit de ses entrailles.


DAPHNÉE, les larmes aux yeux

Visiblement, toi ça te gêne pas…de faire de la peine au «produit de tes entrailles ».


DIANE

Oui ça me gêne justement. Et ça devrait pas. Le fait de détester être maman ne change rien à l’amour que t’éprouves pour ton enfant. Ce sont deux choses différentes. La maternité était un passage obligé pour te connaître. Je regrette pas. (Tout doucement ) Parce que toi, t’es ma plus belle création, la dernière personne que je voudrais retirer de ma vie. (Puis, plus sèchement) Mais on devrait oser. Oser dire aux petites filles que les enfants étouffent les mamans, que la maternité tue l’égo, que dans quelques années elles se feront chier. On devrait leur dire.


DAPHNÉE

Ben rendu là, t’aurais pu te taire. J’avais pas besoin de savoir à quel point mon existence t’avait rendue malheureuse… Je m’en doutais.

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