Extrait de "Des avions de papier"
Je n’aurai jamais quarante ans.
Grande, mince, blonde et bardée de diplômes, je suis marquée par le sceau de la réussite garantie. Avec mon heure passée au gym quotidiennement et toutes ces autres dilapidées à activer mes méninges ainsi qu’à promener mon regard dans des bouquins, j’incarne l’esprit sain dans un corps sain …J’incarne l’image, l’illusion et la foutaise. Le cynisme à son paroxysme.
Tous mes discours contradictoires, on peut bien me les foutre à la gueule. Je n’ai pas envie d’être linéaire ni homogène ni bien-pensante. Contrairement à tous ces anarchistes, ces révolutionnaires gauchistes, je ne prétends pas que mes rages de dents acérées ne sauvent aucune société. Ils ne font que l’assombrir un peu plus. Je ne souffre ni par choix ni pour personne. Tout ce que je sais, je le donnerais, pour devenir l’une de ces cruches vides et fleuries que je calomnie.
Pour vouloir sauver le monde, il faut l’aimer. Lorsqu’on l’aime, on l’accepte comme il est. Je n’ai donc pas le monopole du paradoxe. La vertu déclenche les bombes. Les justiciers se déclarent la guerre sans reconnaître la couleur de leur uniforme.
Je peux bien gueuler contre une chose et son contraire. Être esclave de la beauté et de la mode et mépriser les poulettes. J'ai le droit de me proclamer féministe et de faire reculer le mouvement si le cœur m’en dit. Je peux cracher sur les riches et les envier en secret. Je ne suis pas un discours social ambulant. Je suis un pied de nez contre l’humanité. Un doigt d’honneur verni de rose.
Ma vie n’est pas une pièce de théâtre engagé. Je hais la démagogie entre autres choses. Mon existence serait une farce et une mauvaise. Je suis une plaie ouverte et pullulante.
Je n’aurai jamais quarante ans.
Ni même trente.
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